[Communiqué] Lallab dénonce la chasse aux abayas du gouvernement

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Nous dénonçons une énième campagne de harcèlement à l’égard des jeunes filles musulmanes, qui sont une nouvelle fois les cibles de l’islamophobie au plus haut niveau de l’Etat. Après la loi de 2004, interdisant aux jeunes filles musulmanes de porter un foulard au sein des établissements publics, voilà maintenant qu’elles n’ont plus le droit de porter des robes longues (abayas), une dérive de la loi de 2004 attendue et dénoncée depuis vingt ans maintenant qui s’accélère sous la pression de l’extrême droite et l’extrême-droitisation des discours politiques.

Car ne nous y trompons pas : si aujourd’hui la question prend de l’ampleur, le harcèlement des femmes musulmanes à l’école vis-à-vis de leur tenue ne débute pas avec la déclaration de Monsieur Attal. La possibilité pour les mères accompagnatrices de porter le foulard ou même de rentrer dans certains établissements récupérer leurs enfants, et pour les élèves de porter bandeaux, jupes longues, “vêtements sombres” et aujourd’hui abayas : à chaque fois, c’est la même mécanique à l’œuvre, la même obsession pour le contrôle des corps des enfants, des filles et des femmes musulmanes.

Lallab dénonce un harcèlement islamophobe sexiste et raciste, qui donne libre champ au délit de faciès dans l’enceinte de l’école. En effet, Monsieur Attal déclare « qu’on ne doit pas être capable d’identifier la religion des élèves en les regardant », mais par contre nous devrions être capable d’identifier la religion d’un vêtement ? Car comment faire la différence entre une robe longue autorisée et une robe longue interdite si ce n’est en fonction de celle qui la porte, en fonction du faciès ou du patronyme des élèves ? Les jeunes filles musulmanes racisées seront donc en première ligne de ce profilage racial et de ce fichage religieux, ce qui est une bien plus grande atteinte à la laïcité que l’abaya ne le sera jamais.

Lallab dénonce donc une attaque grave contre cette laïcité, telle que posée dans la loi de 1905. Alors que le principe de laïcité garantit la liberté de conscience et de culte, et impose la séparation des Eglises et de l’Etat et la neutralité de ses agents, on va demander à des personnels de l’Education Nationale de déterminer quel vêtement est religieux et lequel ne l’est pas. Alors que l’école est un droit, et qu’elle doit être un espace d’apprentissage de la liberté et de l’égalité, Gabriel Attal entend y renforcer la discrimination, le harcèlement, le sentiment de rejet et d’insécurité et l’injustice à l’égard des jeunes filles musulmanes qui seraient les seules à ne plus avoir le droit à la liberté vestimentaire.

N’oublions pas non plus le caractère intrinsèquement sexiste d’une telle décision. Au delà du fait que les femmes musulmanes sont déjà celles qui subissent le plus l’islamophobie, dans la mesure où 70% des actes islamophobes sont à l’encontre des femmes, quelle autorisation une telle circulaire donne-t-elle aux garçons et aux hommes dans le contrôle du corps des femmes et de leurs comportements quand l’Etat lui-même organise le contrôle des vêtements de jeunes femmes ? Comment peut-on encore scander “mon corps, mes droits, mes choix” ensuite ? Et en cas de violences ou de harcèlements sexistes ou sexuels, comment faire confiance à des représentants de l’Etat (personnel scolaire, policiers,…) pour se confier et dénoncer ces violences quand eux-mêmes, pourtant censés vous protéger, vous ont humiliée, ont traqué les centimètres de vos vêtements de façon obscène au collège ou lycée, quand vous étiez encore une enfant ?

Force est de constater que les réactions des différents partis politiques et des principaux syndicats ne sont pas à la hauteur, certains applaudissent des deux mains à l’unisson de l’extrême droite, ayant depuis longtemps perdu leur boussole politique. D’autres dénoncent une manœuvre politicienne qui détournerait des « vrais » problèmes que rencontrent l’Education Nationale, comme si l’islamophobie, le racisme et le sexisme s’exprimant à toutes les échelles de l’institution n’était pas un vrai problème. Car ne nous leurrons pas, certains personnels au sein de l’Education Nationale seront ravis de sortir leur mètre-ruban pour dénoncer des robes trop longues, ils et elles n’avaient d’ailleurs pas attendu les annonces de Gabriel Attal pour le faire.

Nous, femmes musulmanes, sommes épuisées face à cet acharnement politique et médiatique sans fin qui a des conséquences sur notre santé physique et notre santé mentale, sur nos parcours scolaires, notre droit à l’éducation, nos futurs possibles. Combien de jeunes filles vont se présenter chaque jour devant leur établissement, la boule au ventre, à se demander si aujourd’hui elles pourront accéder à l’enseignement, ou si pour cela elles devront être déshabillées de force en place publique par les agents de l’Etat. Combien renonceront à ce qui est un droit fondamental pour ne plus avoir à subir ce harcèlement quotidien ? Nous sommes épuisées de ce recul de nos droits, de ces milliers d’heures de débats publics sur nos corps, nos vêtements, nos pratiques, notre droit à la sécurité, à la dignité, à l’auto-détermination, face à des règles qui visent tout simplement à annihiler notre existence en tant que citoyennes françaises ou vivant en France. Éducation, travail, loisirs, combien de droits et de libertés nous seront encore arrachés ?

Nous envoyons toute notre force, notre amour et notre soutien à nos soeurs, nous lutterons à vos côtés pour que vous puissiez étudier, apprendre et grandir dans un environnement où toutes les femmes seraient libres de faire ce qu’elles souhaitent faire, de disposer de leur corps comme elles l’entendent et d’être qui elles veulent être, car chez Lallab nous défendons ce féminisme qui ne met à l’écart aucune femme en raison de ses choix vestimentaires.

Nous envoyons également toute notre force, notre amour et notre soutien aux personnels de l’Education nationale maltraités depuis des années, et particulièrement aux musulmane.s racisée.s qui devront encore une fois faire face aux suspicions et discours racistes et islamophobes de leurs collègues et supérieure.s hiérarchiques s’ils ou elles refusent de jouer ce rôle de flicage permanent et de délation des élèves que l’on cherche à leur imposer.

Et pour finir, que faire ?

➤ Soutenir les collectifs et associations qui agissent pour les droits des enfants, des femmes musulmanes et/ou racisées, des personnes musulmanes
➤ Créer du contenu et relayer les témoignages des premières concernées face aux violences sexistes, raciste et islamophobes au sein de l’Education Nationale (comme Lallab le fait depuis des années, et notamment dès l’édition 2019 du Muslim Women’s Day)
➤ Connaître ses droits, notamment en lisant cette fiche pratique réalisée par le CCIE, en se faisant accompagner par eux, par le Défenseur des Droits ou par un.e avocat.e
➤ Suivre le formidable collectif Féministes contre le cyberharcèlement, qui a compilé et qui relaie sur son compte Instagram une liste d’actions possibles pour lutter contre cette interdiction de l’abaya
➤ Lire également ce post de Queer Parlons Travail qui est un guide d’autodéfense et d’anti-islamophobie à l’école, réalisé suite à un atelier de Sud Education 93, lors de la journée antiracisme organisée par Queer Education.
➤ S’organiser collectivement