en ces temps de confinement, voici un article qui dédramatise sur ce que l’on nous a souvent fait croire, que nous ne pouvions pas intervenir nous-même sur notre corps!! j’ai dèja enlevé un stérilet! c’est possible. indolore si on est détendue et il est plus simple de se détendre chez soi, bien entourée que chez le gynéco…
Que risque-t-on à retirer soi-même son stérilet?
Oui, des femmes font le choix de ne pas aller consulter pour ôter leur stérilet. Les réactions déconcertées face à cette pratique, qui n’est pourtant pas déconseillée, soulignent en filigrane le mépris pour le sexe féminin.
«Ça m’a pris trente secondes.» C’est avec ces mots que Manon décrit à Cluny Braun, dans «La newsletter de ma chatte», le retrait de son dispositif intra-utérin (DIU), qu’elle a décidé d’entreprendre toute seule. Oui, toute seule. Sans aucun membre du corps soignant à ses côtés.
Du grand n’importe quoi? C’est en tout cas la réaction dominante. Par exemple, Sally, qui a aussi enlevé son DIU elle-même et le raconte dans la même newsletter, dit avoir trouvé en ligne «beaucoup de commentaires interloqués, alarmistes (“tu risques la septicémie, la peste, le choléra”)».
En parcourant les forums, on peut en effet lire nombre de commentaires de ce type, à l’instar de chocolatframboise, sur bebe.ch, en novembre 2014: «C’est beaucoup trop dangereux de l’enlever volontairement. C’est un acte médical qui nécessite une certaine technique.»
Un bon paquet d’idées reçues, que dégomme d’une traite la docteure Cloé Guicheteau, médecin au Planning Familial de Rennes et au centre IVG du CHU de Rennes: «Il n’est pas impossible de se retirer son stérilet seule. Si la patiente pense que c’est le mieux pour elle, qu’elle essaye. Ce n’est pas à déconseiller en tout cas.»
Croire d’emblée qu’il est ultra risqué que les femmes mettent des doigts dans leur vagin, attrapent des fils au niveau du col de l’utérus puis tirent pour dégager leur stérilet, c’est donc non seulement les prendre pour des incapables mais aussi, insidieusement, réserver la maîtrise de leur corps et de leur contraception à d’autres qu’elles.
Préjugés sexistes
«Je ne comprends pas l’argument de dire aux femmes de ne pas enlever leur DIU seule, SI elles le peuvent et SI elles le veulent. On recommande de le faire retirer par un médecin […] parce que c’est dangereux. Or, quand on cherche pourquoi, c’est le vide intersidéral», s’étonnait Mem53xm sur Doctissimo en 2013.
Et pour cause. C’est un geste simple, et pas du tout d’une technicité inabordable qui rendrait dangereuse toute intervention de mains non expertes. Ainsi, dans sa fiche d’information des patientes 2017 au sujet des DIU, le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) assure que «le retrait est très facile».
Par ailleurs, rien n’est dit sur la personne qui peut s’en charger –contrairement à la pose, «qui se fait en cabinet médical», est-il mentionné dans cette fiche du CNGOF, le DIU étant «placé par le médecin ou la sage-femme». «Ce n’est pas compliqué, n’importe qui peut le faire s’il le veut», insiste Cloé Guicheteau. D’ailleurs, cela fait longtemps que des premières mains profanes s’y sont mises.
«Ces préjugés sont le résultat de décennies de socialisation au discours et aux gestes médicaux, qui ont véhiculé l’idée que tout ce qui est relié au fonctionnement de l’appareil génital féminin est à médicaliser.»
Comme l’évoque Lucile Ruault, docteure en science politique, qui a mené une thèse intitulée «Le spéculum, la canule et le miroir. Les MLAC et mobilisations de santé des femmes, entre appropriation féministe et propriété médicale de l’avortement (France, 1972-1984)», quelques groupes du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception –outre pratiquer des avortements et des accouchements entre femmes non médecins–, posaient et retiraient des stérilets, dès la première décennie où l’usage de ce dispositif s’est répandu en France.
Continuer de considérer que ce geste est l’apanage des médecins, c’est au fond dire que «les femmes sont dangereuses pour leur propre corps, irresponsables, pas fiables du tout, remarque la chercheuse en sociologie politique. Ces préjugés sont le résultat de décennies de socialisation au discours et aux gestes médicaux, qui ont véhiculé l’idée que tout ce qui est relié au fonctionnement de l’appareil génital féminin est à médicaliser».
Combien de gynécologues a-t-elle entendu dire «non, je n’apprends surtout pas aux femmes à vérifier en touchant les fils que le stérilet est bien en place, d’abord parce que c’est anxiogène et ensuite parce qu’elles risqueraient de tirer dessus sans faire attention»? Beaucoup. C’est bien pour ça que des gestes extrêmement simples, comme le retrait de DIU, sont socialement vus comme ne pouvant être opérés par les usagères elles-mêmes.
«Il suffit de tirer délicatement sur le fil»
La procédure de retrait est pourtant résumée en une phrase, pas plus, par le CNGOF: «Il suffit de tirer délicatement sur le fil du stérilet qui dépasse du col à l’aide d’une pince.»
Attention, que ceux qui pensent alors que les femmes ne sont dans ce cas pas outillées pour s’abstiennent! «Nous, on met un spéculum, ce qui fait qu’on ne peut pas mettre la main et donc qu’on utilise une pince», détaille Maï Le Dû, sage-femme qui exerce à Paris. Les femmes, si elles n’ont pas de spéculum sous la main, peuvent tout à fait se contenter de leurs doigts pour appréhender les fils en nylon du DIU. La preuve: «J’ai saisi très facilement les fils entre l’index et le majeur, retrace Sally dans «La newsletter de ma chatte». J’ai tiré doucement dessus et j’ai senti le stérilet qui venait.»
Bien sûr, cela reste un peu plus compliqué que de retirer un tampon hygiénique. Les fils ne se trouvent pas à l’extérieur, au niveau de la vulve: il faut aller dans le vagin et remonter jusqu’au col de l’utérus pour les attraper. Et ce geste n’est pas toujours évident.
«Toutes celles qui ont dû chercher à retirer un tampon remonté et dont les fils ne sortent plus le savent», relève la docteure Cloé Guicheteau. Celles qui ont aussi eu un préservatif resté coincé dans le vagin aussi. «Cela nécessite une connaissance de son anatomie et d’être à l’aise avec son corps; or ce rapport au corps n’est pas qu’une question d’apprentissage mais aussi d’histoire personnelle», expose Maï Le Dû.
«La question majeure, c’est l’accessibilité des fils, poursuit la sage-femme. Si les fils sont trop courts ou remontés, par exemple parce que le stérilet a dévié à l’intérieur de la cavité utérine, alors les femmes ne peuvent pas y avoir accès.» Dans ce cas, pas le choix: direction le cabinet d’un médecin, généraliste ou gynécologue, ou d’une sage-femme.
Mais si les fils dépassent bien et sont suffisamment longs, aucun problème: «S’ils font deux à trois centimètres, c’est faisable de réussir à les attraper», indique la médecin généraliste, qui a passé un diplôme inter-universitaire de gynécologie-obstétrique.
À l’aveugle et avec les doigts
Certes, l’ablation du dispositif par voie vaginale peut être rendue plus aisée par une pince. «Les petits fils en nylon, ça glisse, ajoute-t-elle. Il nous faut une pince de bonne qualité, en métal, pour bien saisir le fil et sortir le DIU de la cavité utérine.» Reste que tout dépend des femmes et de leur col utérin:
«Il y a des DIU qui vont sortir plus facilement que d’autres. Selon l’orientation de l’utérus, s’il est antéversé ou rétroversé, et son inclinaison pouvant aller parfois jusqu’à près de quatre-vingt-dix degrés, ça peut être plus difficile et il va falloir tirer plus ou moins fort. Si les femmes ont eu plusieurs enfants, le col est plus ouvert et plus “mou”, tandis que chez les femmes nullipares, il est plus fermé et tonique.»
«Les yeux ne sont pas le premier facteur de perception du corps, les doigts suffisent.»
Aïe. Est-ce pour cela que l’on se figure comme indispensable la présence d’un œil extérieur, pour vérifier l’angle de présentation du col ou sa tonicité? Ceux qui craignent que des femmes fassent n’importe quoi en décidant d’ôter elles-mêmes leur DIU sont-ils avant tout gênés parce qu’elles feraient ça à l’aveugle?
Si c’est le cas, ce n’est pas une bonne raison: «Pendant le travail, on va toucher le col [pour vérifier la dilatation], on n’a pas besoin de le voir. Les yeux ne sont pas le premier facteur de perception du corps, les doigts suffisent», s’exclame Maï Le Dû.
Même pas mal
Qu’on ne vienne pas non plus dire qu’il faudrait protéger les femmes d’elles-mêmes, qu’elles iraient se faire mal en accomplissant ce geste seules plutôt qu’en laissant faire des spécialistes!
«J’ai quasi rien senti», affirme Manon. «Ce fut finalement l’histoire de quelques secondes et d’une sensation plus étrange que douloureuse dans le col de l’utérus», note pour sa part Marion, toujours dans «La newsletter de ma chatte». Idem pour mil-lady, sur un forum Doctissimo, en août 2009: «Je “savais” comment tirer pour ne pas me faire mal, vu que c’est mon propre moi-même!» Susye, quant à elle, toujours sur un forum Doctissimo, conseillait en 2011 «de le faire dans un bain chaud: ça diminue les douleurs dedans et ça fait juste un pincement».
Rien d’étonnant. La docteure insiste: lorsqu’elle retire des DIU, «une bonne partie des femmes ne vont rien sentir du tout ou alors une petite douleur de règle, une douleur peu intense allant de 0-1 à 5 sur 10». Certes, «certaines vont ressentir une douleur plus soutenue». Ce fut semble-t-il le cas de Sally, qui précise dans «La newsletter de ma chatte» qu’«au passage du col ça [lui] a fait comme une décharge, ou un grand pincement dans le ventre. Vraiment pas agréable».
Cela peut donc s’avérer plus pénible que d’ôter un tampon, parce que «le vagin est gainé de muscles tandis que l’utérus est un muscle qui va avoir une réaction de contraction spontanée», développe Maï Le Dû.
Rien à voir cependant avec les malaises vagaux et les douleurs intenses qui peuvent survenir lors de la pose! En gros, lors de la pose, «on insère un corps étranger, qui peut provoquer des spasmes du col et une réaction de l’utérus», pointe Maï Le Dû. «L’utérus peut continuer de se contracter, poursuit Cloé Guicheteau, car un objet se trouve à l’intérieur» et qu’il cherche à l’en expulser, «tandis que pour le retrait, il est rare que les contractions persistent: elles vont disparaître dans les minutes qui suivent, c’est très fugace». Sally en est la preuve: «Je ne sais pas si c’est l’adrénaline ou la fierté, mais la douleur est partie presque instantanément.»
Ni lésions ni infections
S’il n’y a pas de quoi pousser des cris de douleur –alors que le standard de beauté des jambes et aisselles glabres et du pubis sans poils qui dépassent du maillot suppose une épilation loin d’être indolore, mais passons…– , évitons donc de pousser des cris d’orfraie face à ces femmes qui font le choix de se débarrasser de leur stérilet sans supervision médicale.
D’autant que, si elles ne se font pas mal, il n’y a pas non plus de raison qu’elles se fassent, à leur corps défendant, du mal. Sur Bebe.ch, Floop écrivait ainsi en 2014 qu’enlever son stérilet soi-même «peut créer des lésions à l’utérus ou au col de l’utérus, et entraîner des infections».
Il est vrai, admet la docteur Guicheteau, qu’«il peut arriver que les ailettes du stérilet soient incrustées dans le muscle utérin et qu’il faille tirer un peu plus fort». Mais, le risque, c’est d’avoir un peu plus mal –ou de ne pas réussir à retirer le stérilet–, pas de perforer la paroi utérine. «Il n’y a pas beaucoup de risques infectieux, sauf si le stérilet reste coincé un certain temps dans le col», suppose Cloé Guicheteau.
«Quand on enlève [un DIU], il n’y a pas de risque ascendant d’envoyer des germes, d’autant que le vagin est loin d’être stérile.»
Un scénario toutefois peu plausible et que l’on peut facilement éviter: «On tire dessus, il vient tout seul et c’est terminé. Il ne faut pas s’acharner.» Et quand bien même le franchissement du col ferait lâcher les fils, comme ce fut le cas pour Sally, la situation n’a rien de grave: «La douleur –le stérilet devait être coincé au milieu du col– m’a poussée à me ressaisir tout de suite. Je les ai rattrapés et j’ai continué à tirer doucement, mais fermement cette fois, bien décidée à en finir». En trois secondes, c’était plié.
Faut-il le préciser, le risque infectieux est pour le reste inexistant. «Il suffit de bien se laver les mains», ajoute la généraliste. Certes, «pour mettre un DIU, il faut que ce soit stérile afin de ne pas embarquer des germes à l’intérieur. Mais, quand on l’enlève, il n’y a pas de risque ascendant d’envoyer des germes, d’autant que le vagin est loin d’être stérile», appuie Maï Le Dû. Comme le faisait remarquer avec humour et raison Stair’ sur Doctissimo en 2013, «on ne stérilise ni les tampons ni les verges qui nous pénètrent». Pas de quoi faire remonter des bactéries juste en attrapant des fils au niveau du col.
Effet miroir
Alors, si le geste est simple, peu douloureux et sans risque majeur, comment se fait-il qu’à la question «Comment retirer un stérilet?» soit encore répondu, par un gynécologue, que «le retrait d’un stérilet peut être fait là où vous voulez, à la seule condition que ce soit un médecin qui vous le retire»?
Oui, «quels sont les arguments pour dire qu’une femme ne doit pas […] retirer son stérilet»? s’interrogeait Mem53xm sur Doctissimo. On se le demande aussi.
Peut-être que, plus que le geste lui-même, c’est le symbole qu’il renvoie qui coince et qui fait pour certains regarder avec mépris les femmes qui se demandent si elles peuvent retirer leur stérilet seules voire ont l’outrecuidance de choisir de le faire.
«Quand une femme enlève son DIU seule pour changer de contraception ou avoir un enfant, elle reprend du pouvoir face à l’assujettissement social et médical; c’est ça qui terrifie la société et le masculin en particulier», analyse Maï Le Dû, qui est également docteure en sociologie.
Non seulement c’est sortir cet acte du pré-carré des soignants –et on sait à quel point certains médecins tiennent à leur situation de monopole, ne souhaitant pas que certains actes soient réalisés par les sages-femmes–, mais c’est aussi une remise en cause des pratiques de certains d’entre eux. Car quelles sont les raisons qui peuvent faire que des femmes vont éviter de passer par la case «consultation» pour retirer leur DIU? «Énormément de facteurs peuvent mener à ce geste, notamment la façon dont les femmes sont traitées dans un cabinet médical», observe la sociologue Lucile Ruault.
Physiquement d’abord. «Il suffit d’avoir eu une pose douloureuse pour ne pas tellement avoir envie d’y retourner», détaille-t-elle. Or la pose est surtout rendue douloureuse parce que nombre de médecins ne savent pas (bien) la faire, ainsi que l’explicite le docteur Martin Winckler sur son blog: «Si ces gestes étaient enseignés comme il le faut, les médecins feraient moins mal aux femmes, ET ils auraient moins peur de poser des DIU (la peur du médecin compte beaucoup dans la douleur infligée…).»
S’être fait poser un DIU chez le médecin puis décider de le retirer seule, c’est donc renvoyer au praticien son incompétence, par un effet miroir. Plus facile de dire que les femmes ne vont pas savoir faire plutôt que de se remettre en question sur ce qui fait que certaines se détournent du cabinet de gynécologie.
Fini l’infantilisation
Ce traitement brutal ne se retrouve pas que dans les gestes des professionnels de santé, mais aussi dans ses paroles. «La pose de stérilet, en particulier pour des femmes n’ayant pas enfanté, est souvent accompagnée de ce commentaire “Vous êtes sûre? Il ne s’agirait pas de vous le poser puis de le retirer”, relate Lucile Ruault. Ça peut être dit autrement, “même pour vous, c’est plus confortable”, mais, derrière, l’usagère peut entendre “ça le ou ça la saoule de prendre deux rendez-vous en quelques mois”.»
D’ailleurs, aucun rendez-vous ne sera pris au cas où. Rien de tel pour induire une «culpabilité latente» chez les femmes à qui la méthode ne conviendra finalement pas, parce qu’il y a des effets indésirables –par exemple un flux abondant sous DIU au cuivre, connu en théorie mais insupportable en pratique. Alors qu’«on a le droit d’essayer et de vouloir se passer de ces petites piques et commentaires, de ne pas se faire rabrouer», insiste la spécialiste du self-help.
«C’est une prise de pouvoir, même complètement empirique parfois, sur leur corps.»
Ces remarques désobligeantes ne visent pas seulement le choix de contraception mais aussi la grossesse. «Beaucoup de femmes relatent une peur du jugement sur le moment de leur choix de grossesse. Aller voir un soignant, c’est encore une fois quémander et s’exposer à avoir l’avis de quelqu’un d’autre que l’on n’a pas sollicité. C’est très infantilisant que la décision soit dépendante du bon vouloir d’une tierce personne, cela revient à dire “Est-ce que s’il vous plaît vous voulez bien me permettre de faire un bébé?”. Si elle retire son DIU toute seule, elle n’a rien à justifier à personne», constate également Maï Le Dû.
Que les femmes décident de manière spontanée de retirer leur DIU toutes seules (ou au sein d’un collectif de self-help), et qu’elles l’accompagnent ou non d’une revendication politique, «c’est une prise de pouvoir, même complètement empirique parfois, sur leur corps», accentue sa consœur Lucile Ruault. Cela revient à s’inscrire en faux contre les violences gynécologiques et obstétricales.
Certes, il ne s’agirait pas de mettre tous les soignants dans le même panier et encore moins d’enjoindre les femmes à accomplir ce geste seules. Mais il serait peut-être temps de comprendre que, si c’est ce qu’elles veulent, elles peuvent sans risque enlever leur stérilet elles-mêmes et que c’est un choix, parmi d’autres, qui leur revient.
Cela devrait aider par la même occasion à réinstaurer la confiance gynécologique. Aux praticiens bienveillants de changer la configuration et de se faire leurs alliés: comme le rappelle Cloé Guicheteau, «les professionnels de santé à l’écoute et en qui les femmes ont confiance peuvent très bien leur donner des conseils sur comment retirer leur DIU seules si elles le souhaitent».