«Chacun.e ses symboles.
Hier la messe bourgeoise artistique a eu lieu.
Avec Polanski, le message envoyé aux victimes de violences sexuelles et
sexistes est clair : l’agresseur, le violeur ne quittera jamais les
espaces.
Ce message de l’impunité, il existe dans tous les milieux.
Y compris chez nous. Au delà de Polanski, Il y avait aussi des soutiens
actifs d’agresseur connu du milieu militant dans la salle.
Chaque prise de parole, même de ceux et celles censées représenter nos
banlieues ou notre classe, ont brillé par leur manque de position ferme.
Alors que quand même : il y avait au moins une tribune à saisir.
Hier, ce n’était pas une victoire : ni pour les femmes et les
lesbiennes, ni contre le racisme, ni pour les banlieues.
– le discours de Ladji Ly qui dit qu’il faut refaire de la France un
grand pays… SVP.
– le départ d’ Adèle Haenel, à 10 mins de la fin, alors que devant, ça
se faisait gazer, embarquer. Désolée mais je ne me suis pas reconnue
dans ce geste. J’ai trouvé ça ridicule, avec Sciamma, qui lui court
après. Elles m’ont fait le même effet que quand j’ai vu leur film :
pétard mouillé… mais c’est un autre débat.
– Le courage d’ Aïssa Maïga est à noter et elle a mon soutien, d’autant
plus qu’elle se fait insulter sur les réseaux et subit un racisme
sexiste révoltant. Elle a fait 2 – 3 punchlines, devant une salle si
hostile, si silencieuse et méprisante. Mais je ne peux pas m’empêcher de
me dire qu’aller quémander les miettes et leur demander de nous inclure
dans leur système : est-ce la solution ? C’est la solution pour elle
peut-être. Mais : que va t’il advenir du reste des nôtres ?
Comme le dit la femme de ma vie : « on ne veut pas des miettes ou une
part de gâteau. On veut changer la recette du gâteau « .
Hier, on ne pouvait que constater l’échec de cette bourgeoisie, jusque
dans leur art.
Bourgeois.e, vous vous êtes appropriés les outils de production
artistique, en mettant en avant votre classe, vos représentations, vos
histoires, vos corps. Les quelques films « diversité » que vous valorisez
chaque année, ne feront pas oublier la carotte de la méritocratie
artistique.
Mais vous avez bien échoué à vous approprier le seul espace dans lequel
on retrouve le pouvoir sur nous-même, on réécrit nos histoire, on met au
centre nos besoins : la politique et la lutte.
Et tant mieux. Car vous n’êtes pas la solution, mais le problème.
Depuis hier aussi, je ne peux pas m’empêcher de me dire : à chacun.e ses
symboles.
Mon symbole aujourd’hui, c’est pas la photo de la réaction individuelle
de Adèle Haenel.
Mon symbole, c’est la lutte collective des femmes de chambre de l’hôtel
Ibis.
Elles n’ont pas de belles tenues et de bijoux en diamant. Mais mon dieu
: elle est là, la seule et vraie beauté.
Elles n’ont pas accès à tous les médias bourgeois.Et pourtant elles sont
en grève depuis juillet 2019 : plus de 7 mois. Et pourtant, elles ont
osé dénoncé l’agression sexuelle vécue par une de leur collègue au
travail, elles ont brisé le silence sur ce sujet. Mais qui en parlent ?
Moi, j’en ai fini de me taper des torticolis à mater le haut du gratin
ou à mendier pour qu’ils nous voient, nous reconnaissent et comprennent
nos besoins.
Nos vraies héroïnes, celles qui font changer le monde sur tous les
sujets : travail, et violences sexuelles, sont à côté de nous. C’est
elles qui changent le monde.
Nous n’embrasserons pas nos destin sociaux et politiques, prises dans un
étau, entre les hommes des quartiers, les bourgeoises racisées et les
blanches bourgeoises.
On a les symboles qui nous ressemblent. Hier, personne ne me
ressemblait, ne ressemblait à ce que je vis ou côtoie tous les jours
dans mon quartier, au taf, dans ma mif.
Continuons le combat.Tenons la ligne. Occupons les espaces militants et
artistiques. C’est nous qui faisons l’histoire et améliorons ce monde.
Comme le dit Femmes en lutte 93 : les femmes des quartiers ont 200 ans
d’avance.
La bourgeoisie a bien 200 ans de retard. On en a encore eu la preuve
hier.
PAILLETTES POUR LES NÔTRES !»
Hanouna Hanounti