Pour la deuxième fois, nous avons pris la rue ce vendredi 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des luttes féministes. Nous préférons appeller le 8 mars « La Journée internationale des luttes féministes » plutôt que « La journée pour le droit des femmes », car pour nous, le féminisme s’articule non seulement dans la loi, mais aussi dans les luttes quotidiennes, et que nous pensons que le terme « femmes » n’inclus pas toutes les personnes opprimées par le patriarcat, car il exclut notamment les personnes trans*.
Nous étions plus de 1200 à prendre la rue en mixité choisie sans homme cis-genre.
La banderole de tête exprimait notre volonté d’être toujours plus, plus en colère, organisé.x.e.s, fièr.x.e.s, transinclusif.x.ive.s, antiracist.x.e.s, DTR, fort.x.e.s, nombreux.euses, swag, ensemble.
Après le rassemblement au square de chantepoulet, où nous avons mangé une soupe, nous avons marché à travers la ville, au rythme de la musique et des slogans : « Avenir féministe, avenir décolonial, avenir queer queer avenir génial », « hijab ou pas, c’est leur choix ; état raciste on en veut pas », « Tout le monde déteste le sexisme, le racisme, la transphobie, la police », « Ouin, ouin, ouin, pauvre mec cis, ouin, ouin, ouin, victime des féministes », « On est fortes et fières et féministes et en colère ! », « However I dress, where ever I go, yes means yes, no means no »…
On pouvait lire sur les pancartes « sexwork is work », « Fight The Patriarchy », « Vos normes pourissent ma vie », « Féministes VNR contre les frontières », »
Plusieurs discours ont été prononcés au départ de la manifestation, puis à trois reprises lors de la marche. Les discours ont dénoncé la récupération raciste dans les discours officiels contre le sexisme et rappelé que le patriarcat est le fondement idéologique des violences sexuelles et sexistes, la conivence du rectorat de l’université de genève avec des professeurs accusés de harcèlement sexuel. Le rôle de l’hospice général dans la double discrimination que vivent les femmes migrantes ainsi qu’une prise de parole du bloc des femmes kurdes.
La police, présente en plus grand nombre que l’année passée, n’a cessé d’arrêter la marche pour un oui, pour un non et de menacer les organisateur.x.ice.s de représailles si ielles n’accédaient pas à des demandes suréalistes comme d’empêcher les tags qui fleurissaient sur les murs de la ville, une trainée de messages féministes. Lorsque les exigences de la police fûrent transmises aux manifestant.x.e.s, celleux-ci ont répondu : « tout le monde déteste la police ».
On dénote une réelle volonté de la part de la police de décourager l’organisation des manifestations, ils ressortent des placards de vieilles directives pour charger de nouveaux coûts les organisateur.x.ice.s, les chargent de responsabilités qu’ilelles n’ont pas à endosser, se montrent menacants et vont jusquà encadrer la manifestation en rangs serrés sur certaines parties du parcours.
Cela ne se passera pas comme ça.
Au niveau de la place neuve, les participant.x.e.s ont vu se déployer une banderole depuis l’échaffaudage du conservatoire de musique. On pouvait y lire : « Feu à la dictature des normes ». Message de circonstance, au vu des normes bourgeoises qui planent d’ordinaire sur cet espace, encadré de plusieurs feux d’artifices.
Dans une ambiance déterminée et festive, les manifestant.x.e.s ont dansé au son de la musique et scandé des slogans jusqu’à la place des volontaires puis sont entré.e.x.s dans le théatre de l’usine pour y danser jusqu au bout de la nuit, toujours sans hommes cis-genre. Et on s’est vraiment bien amusé.x.e.s !
Cette marche s’est déroulée en mixité choisie sans homme cisgenre1. Pour une fois dans l’année, nous avons décidé de reprendre la rue entre personnes qui subissent au quotidien le sexisme et les jougs du patriarcat. En effet, l’espace public n’est pas un espace neutre, il est traversé par de multiples enjeux de pouvoir.
Par contre nous restons très critiques des discours féministes contre le harcèlement de rue, qui a tendance à discriminer et criminaliser les hommes cisgenre racisés, pauvres et/ou migrants, les peignant comme plus sexistes que les cols blancs. Mais comme nous le savons que trop bien, le sexisme est partout, au travail, à l’école, à la maison, dans nos lits, bien à l’abris des témoins.
Le choix de la mixité choisie sans homme cisgenre est également un outil politique d’émancipation. C’est l’occasion de s’organiser sans remise en question de nos vécus et subjectivités par des personnes pas concernées. C’est l’occasion de développer des subjectivités politiques communes, de définir nous-mêmes nos priorités et moyens d’actions.
Par contre nous trouvons regrettable que les médias et l’opinion publique s’arrêtent toujours à cette mixité choisie, ce qui a pour effet d’évincer les autres messages politiques.
Faut-il encore que les médias parlent de nous. L’année passée, des dizaines de journalistes, en grande majorité des hommes cisgenre, étaient présents, mitraillant la marche, et pas un seul article ou reportage n’a été publié.
Cette année nous avons donc décidé de demander aux rédactions de respecter la mixité choisie de la marche dans le choix des journalistes qu’elles enverraient.
Mais on nous attendait au tournant, les adversaires de la non-mixité se sont saisis au vol de cette merveilleuse oportunité de ressasser leur rhétorique simpliste et insultante. Ils auraient pu y voir l’occasion de mettre en avant leur collègues non-homme cisgenre, pour une fois. Certain.x.e.s ont compris, merci.
Malgré ces crises d’égos, nous avons pris la rue, nous l’avons prise à plein, nous l’avons prise en criant, en dansant. La manifestation était magnifique à l’image de nos luttes féministes.
A l’année prochaine, le collectif du huit mars pour des féminismes révolutionnaires, antiracistes et transinclusifs.
P.-S.
1. Homme cisgenre : une personne assignée homme à la naissance et qui se reconnaît dans cette identité de genre.