Photo : Tatjana Zlatkovic via Stocksy
Cet article a été initalement sur Broadly.
En décembre 2016, le NHS, le système de santé britannique, a enfin accepté de répondre aux demandes des militants et de financer un essai à grande échelle de la PrEP, un traitement préventif contre le VIH. L’annonce a marqué un progrès décisif : avant cela, toute personne souhaitant se protéger du virus était obligée de passer par la case clinique ou d’acheter des pilules en ligne, souvent via des canaux non modérés et potentiellement dangereux.
Lorsque l’essai a débuté en octobre 2017, 10 000 places ont été allouées : 8 000 pour les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) et 2 000 pour les femmes et autres groupes à haut risque. Les places réservées aux HSH se sont très vite remplies, entraînant le refus de nombreux volontaires. Les femmes, en revanche, ne se sont tout simplement pas inscrites. La situation n’a pas changé depuis le début de l’essai. Par conséquent, les places réservées aux femmes ont été réattribuées et le NHS a affirmé que leurs besoins avaient été « surestimés ».
Un rapide coup d’œil aux recherches récentes montre que c’est loin d’être le cas. Au Royaume-Uni par exemple, les femmes représentent un tiers des personnes vivant avec le VIH, mais elles ont très peu de visibilité. Pour tenter de remédier à ce problème, l’organisme bénévole de santé Terrence Higgins Trust et le groupe de défense Sophia Forum se sont associés pour lancer « Invisible No Longer », un rapport explorant les réalités quotidiennes de ces femmes. Leurs conclusions sont révélatrices : 45 % des personnes interrogées vivent en dessous du seuil de pauvreté, 31 % évitent ou retardent le recours aux soins de santé par crainte de discrimination, et plus de 50 % ont été victimes de violences en raison de leur séropositivité.
Ces chiffres brossent un portrait inquiétant de la vie d’une femme séropositive et soulignent un fait évident : les femmes ont besoin de la PrEP, alors pourquoi ne la demandent-elles pas ?
Selon Jacqui Stevenson, membre du conseil d’administration du Sophia Forum, le problème vient avant tout des médias : « La couverture médiatique de la PrEP est centrée sur les hommes gays, et il n’y a pas de sensibilisation ciblée ou d’informations pour contrecarrer ce récit », explique-t-elle. Afin de lutter contre ce problème, des bénévoles ont lancé le site trans-inclusif Women and PrEP, qui vise à rendre l’accès à l’informations plus accessible. « La PrEP est complètement adaptée aux femmes, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu’elles le comprennent », poursuit Jacqui Stevenson.
Marc Thompson, responsable de l’amélioration des services de santé pour le Terrence Higgins Trust, s’accorde à dire que les femmes sont souvent exclues des débats sur le VIH. « L’étude PROUD, qui a montré que la PrEP était très efficace, était axée sur les hommes gays qui couraient un risque élevé de contracter le VIH », explique-t-il. « Grâce à cela, nous avons récemment constaté la première baisse des nouveaux diagnostics de VIH parmi les hommes gays et bisexuels. Mais cela signifie aussi que les gens considèrent la PrEP comme un traitement réservé aux hommes homosexuels, ce qui n’est pas le cas. Nous devons veiller à ce que le traitement soit utilisé par tous ceux qui pourraient en bénéficier, en particulier d’autres groupes à haut risque tels que les hommes et les femmes d’origine africaine et les femmes trans. »
Il y a bien évidemment une raison à tout cela. Historiquement, la communication autour du VIH était ancrée dans l’homophobie alarmiste et insidieuse (le virus était initialement surnommé la « peste gay »). Il est important de ne pas l’oublier et de ne pas en minimiser les effets dévastateurs sur les communautés homosexuelles du monde entier. Il est également important d’élargir le débat pour ne pas créer un terrain de jeu inégal où les femmes sont laissées pour compte.
« Nous avons maintenant toute une gamme d’options de prévention du VIH, y compris la PrEP, les préservatifs masculins et féminins, ainsi que le traitement et la prévention », explique Stevenson. « Nous avons constaté une forte baisse des diagnostics chez les hommes homosexuels et bisexuels, en particulier dans les zones urbaines. Mais pas chez les femmes. Les progrès sont inégaux. » La recherche Invisible No Longer a indiqué que cela pourrait être dû à un manque d’information – beaucoup de femmes ne savent même pas qu’un traitement leur est offert, et ne bénéficient d’aucune information, ni de soutien.
Même l’essai du NHS comporte des points qui méritent d’être clarifiés. Les centres de santé doivent se battre pour fournir un service fiable. De nombreuses organisations sont en train de fermer, y compris le St. Stephens AIDs Trust, qui a joué un rôle déterminant dans le lancement et la gestion de l’essai de la PrEP.
« Un essai de 10 000 places est loin d’être suffisant », affirme Thompson. Il recommande de libérer plus d’espace (une proposition a été faite d’élargir l’essai à 13 000 places) et réaffirme que l’objectif devrait être de rendre la PrEP librement accessible. En attendant, le Terrence Higgins Trust a mis en place un fond d’accès à la PrEP pour fournir aux personnes dans le besoin des bons d’achat de trois mois auprès d’un fournisseur en ligne certifié. L’offre s’étend également à l’Irlande du Nord, dont l’accès au traitement est décrit par Thompson comme étant « très irrégulier ».
Les militants contre le VIH et les organisations caritatives affirment qu’ils doivent encore intervenir régulièrement, que ce soit pour fournir un traitement gratuit ou des informations vitales aux femmes dont la vie pourrait être sauvée par la PrEP. Pendant ce temps, les médias ne veulent pas contester un récit culturel sur le VIH qui exclut les femmes. Cette exclusion a des conséquences : les femmes exposées au VIH sont invisibles et leurs expériences effacées.
Maintenant que les diagnostics commencent enfin à tomber, l’éradication du VIH semble être une réalité viable et non plus une utopie. Pour Stevenson, nous ne pouvons pas nous permettre de faire preuve de complaisance : « Nous sommes à un moment crucial de l’épidémie et le moment est venu d’investir correctement dans la prévention du VIH chez les femmes. »