TRANSPHOBIE Une BD pour contrer les préjugés

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Une BD pour contrer les préjugés

Jean-François Villeneuve La Presse

 

Sophie Labelle dessine depuis qu’elle est toute petite. Dès l’âge de 7 ans, cette éducatrice d’une école primaire de Montréal remplissait des boîtes de bandes dessinées.

Aujourd’hui, 40 000 personnes suivent les péripéties de la vie ordinaire de son héroïne, Stéphie, une fillette assignée au genre masculin à la naissance, tout comme elle.

Le personnage se présente par le qualificatif « trans ». Un peu comme Mafalda – l’auteure fait elle-même le rapprochement – , Stéphie jette un regard éclairé, rempli de bagout sur la société qui l’entoure et qui, bien souvent, ne sait comprendre ses besoins.

DÈS L’ENFANCE

« J’ai travaillé avec beaucoup d’enfants trans. Tout ce qu’on disait d’eux était constamment teinté d’un regard qui disait qu’ils étaient nés dans le mauvais corps, qu’ils en étaient nécessairement prisonniers. Il y avait beaucoup de pression sur ces enfants pour qu’ils détestent leur corps. Pour qu’ils apprennent à le voir comme étant honteux. »

Son propos va au-delà des préoccupations des personnes trans et s’applique tout autant aux jeunes qui ne correspondent pas aux expressions de genre dictées par la société. « Quand on parle d’homophobie, la plupart du temps, à l’école primaire, ça va être dirigé vers les garçons qui présentent de l’efféminement. »

Sophie Labelle affirme recevoir régulièrement des témoignages de proches de personnes trans ou de parents qui, à la lecture de quelques planches, en viennent à se questionner sur leur réaction devant ces jeunes. « S’il y a un message qui transcende la bande dessinée, c’est une volonté de faire comprendre que les problèmes que peuvent vivre les personnes trans dans la société sont situés à l’extérieur d’elles-mêmes. Ce n’est pas parce qu’elles sont malades ou qu’elles ont des problèmes à l’intérieur d’elles-mêmes qu’elles vivent des situations stressantes », dit Mme Labelle.

« Le fait d’être trans, ça vient de l’extérieur, c’est un regard qu’on pose. »

— Sophie Labelle

Un regard qui peut faire mal. Une simple recherche sur l’internet démontre que les femmes trans sont même parfois dénoncées – et harcelées – comme étant des hommes déguisés. « Il y a des choses absolument virulentes, confie Mme Labelle, elle-même victime de messages haineux et transphobes. Ça paraît bénin, mais le pire, ça demeure qu’ils m’appellent par mon nom à la naissance, en me disant des pronoms masculins. »

Selon elle, très peu de recours existent, particulièrement sur le net, où l’anonymat est souvent roi et maître. « L’idéologie derrière ça, c’est pour protéger les femmes pour que des hommes ne les agressent pas en se faisant passer pour des femmes. C’est le lot du militantisme trans », soutient-elle.

LONGTEMPS MÛRI

On ne rejoint pas des dizaines de milliers de lecteurs, et de nombreux autres avec la traduction imminente des aventures de Stéphie en espagnol et en allemand, sur un coup de tête. Le projet d’Assignée garçon est mûri et réfléchi. « C’était pour contraster entre ce qu’on disait de manière tout à fait banale à des enfants et la violence de ces messages », affirme-t-elle.

La représentativité des jeunes personnes trans est déficitaire dans la culture, selon l’auteure. « Les gens sont vraiment réticents à mettre des personnages trans devant un public jeunesse. » Voilà une des principales raisons pour lesquelles elle poursuit son projet, maintenant rendu à plus de 120 planches de bande dessinée. Représenter une réalité qui existe et tenter, par la voix d’une enfant, de faire changer les choses.