…CYCLE CINEMA « popcorn chaud et vengeance froide »…

« Et quand nous parlons nous avons peur que nos mots ne soient pas entendus ni bienvenus, mais quand nous sommes silencieuses nous avons quand même peur. Alors c’est mieux de parler en se rappelant que nous n’étions jamais censées survivre. »

Audre Lorde, The Black Unicorn: Poems

 

Les images et le cinéma sont des lieux de propagande ultra efficace, qu’elle soit hétérosexiste, capitaliste, patriarcale, raciste, spéciste etc… . Ces images sont crées par des personnes qui relaient, construisent et assènent leur vision politique du monde depuis leur place de dominant­e­s, et, en particulier, leur théorie sur une soit­-disant « nature » féminine, et sur la normalité des rapports d’exploitation du groupe des hommes sur les autres genres. Sans doute cela a été une avancée révolutionnaire quand, dans les films de Rape and Revenge des années 70, les meufs deviennent actrices de leur vengeance, en faisant le choix de la violence physique, sanglante. Cette fois en effet, ce ne sont plus les hommes qui, face au viol d’une de « leurs » femmes (c’est­-à­-dire l’atteinte d’une de leur possession) vengent leur honneur dans le sang. Malheureusement, cela n’a pas abattu le patriarcat ! La production cinématographique reste un monde dominé par des hommes, blancs, hétéros, riches. Le viol, quand il n’est pas juste prétexte à du voyeurisme torture-­porn, continue d’être représenté selon un schéma qui ne correspond pas à la réalité, et qui permet d’entretenir, chez les femmes, la peur de l’inconnu, de la rue, et de la nuit. La plupart des films montrent des viols perpétrés par un inconnu, archétype de l’homme mauvais (brutal, bestial, ivrogne, racisé pour que le tableau soit complet…) par opposition au bon père de famille. Après l’acteur, le lieu : parking souterrain, ruelle sombre, la nuit. Comme si un viol était un hasard inéluctable et malheureux, dont on ne pourrait que se prémunir, un peu comme d’un séisme, mais ici en restant confiner chez soi. De plus, le viol est souvent raconté comme une épreuve initiatique, un passage de l’ingénue vers la « femme véritable », c’est­-à­-dire un corps sexué et sexuel. Car dans un monde patriarcal, les femmes n’existent et ne sont définies que comme des êtres sexualisés, existence qui ne peut commencer que par leur pénétration (consentie ou non) par un homme (défloration, viol, viol « correctif » lesbophobe). Quand à la vengeance d’une femme, elle ne peut être que celle d’une super­-héroine « bombe sexuelle » et solitaire, dont la violence est calquée sur les codes de violence masculine. Et pourtant, une femme n’aurait­-­elle à sa disposition d’autres outils que sa sexualité pour agir, obtenir ce qu’elle veut et prendre du pouvoir ? Ne pourrait-­elle vouloir se venger ou/et se défendre que d’une atteinte à sa sexualité ? Et ne pourrait-­elle faire le choix d’une violence qui ne soit pas celle définie par les normes virilistes ? Pour éviter pas mal de ces écueils (mais pas tous ! D’ailleurs, les films qu’on a choisi de projeter sont bourrés d’imperfections ­ mais on sait toutes que la perfection, c’est comme la mort, ça empêche pas mal de réfléchir…), peut être faut­-il dénicher les rares femmes qui ont réussi a prendre la caméra pour faire du Rape and Revenge. Car, utilisé par une femme, le slogan « un homme mort ne viole pas », c’est quand même de la balle ! Et parce que les balles contre le patriarcat, quand enfin elles peuvent sortir, ne sont jamais très bien accueilli, les réalisatrices et autres créatrices le paient cher. Lorsque Helen Zahavi publie Dirty week end, le parlement britannique fait une demande de retrait des ventes pour cause d’immoralité qui n’aboutis pas. L’auteur, subissant un harcèlement constant à cause de son écrit se barre du Royaume Uni. Par ailleurs, les films de vengeance peuvent participer à construire notre propre imaginaire collectif, politique et féministe. Car des récits de femmes qui se vengent, qui se défendent, qui défient la domination masculine, blanche, hétérosexuelle, et bourgeoise, et qui reprennent, par la violence, quelques miettes de pouvoir, sont des imaginaires qui peuvent nous rendre plus fortes, seules ou ensembles. Ne serait­-ce que parce que, peut­-être, cela rendra un tout petit peu plus réelle une possibilité qui, jusqu’alors, nous restait hors de portée, interdite et impensable. Certains films que nous avons rencontrés et choisis de projeter sont basés sur l’histoire réelle de femmes, participant ainsi à la création d’une Herstory (féminisation de History), fabriquant et refondant nos imaginaires et nos réalités à partir de vécus extraordinaires mais réels. Si trop souvent, l’idée de nous défendre et de nous venger, que ce soit individuellement ou collectivement, des personnes qui nous exploitent, nous oppriment et nous agressent, reste un fantasme qu’on ose à peine imaginer et encore moins réaliser, c’est que l’ordre moral et patriarcal a bien pavé le chemin de notre violence. Au cinéma comme ailleurs, la violence des femmes est soumise à une double mise en récit. D’une part, elle est non-­dite : occultée, invisibilisée, oubliée (et sans cesse redécouverte), déresponsabilisée (la femme criminelle amoureuse), monstruosifiée (la femme infanticide n’est pas une femme violente puisque c’est un monstre). D’autre part, elle est cadrée pour surtout ne jamais troubler l’ordre patriarcal : la violence des femmes est rendue naturelle à grands coups de psychologie et de biologie (femmes dangereuses, manipulatrices, hystériques, séductrices, etc…), et cette nature ne serait domptée que par la maternité (la louve protégeant ses petits), la famille (la femme satisfaisant son mari) et la morale. On se recogne une fois de plus la théorie sur la nature féminine, nous privant de toute autonomie et légitimité à agir, choisir, et surtout défier l’ordre patriarcal. Il est important que nous prenions conscience de nos forces, pour que chacune puisse choisir d’avoir recours ou non à la vengeance, physique ou non, quelles qu’en soient les raisons, et d’utiliser n’importe quelle type de violence, que ce soit celle qu’on attend de nous ou celle que nous­-même n’imaginions même pas. Nous croyons que le cinéma féministe peut être un outil dans ce sens. Et maintenant, si nous nous vengions, seule, à deux ou à des milliers ? Si nous nous vengions, par les poings, par les armes, par casseroles et par poisons, par notre cul et par nos mots, par la magie et par la justice ? Si nous nous vengions de nos patrons, de nos maris, de nos pères, de nos violeurs, de nos chefs, de nos (néo­)colons, de nos médecins, et de tout en même temps ? Et si nous commencions par être solidaires, toujours, de toutes ces femmes qui se défendent, se vengent, et reprennent du pouvoir, discrètement ou bruyamment, et qui souvent, en font les frais, en catimini, dans les prisons de l’état ou de la famille ? Et si nous osions penser ensemble des stratégies féministes d’action directe violente ?

 

Le cinéclub féministe à Grenoble et Dégenrée présentent le cycle « Popcorn chaud et vengeance froide » !

si vous etes trop loin de Grenoble, n’hesitez pas à vous faire une soirée cinéma entre potes, certains de ces films sont facilement téléchargeables.

 

Dimanche 8 Février à 20h772718IShotAndyWarhol

I shot Andy warhol de Mary Harron (1996) 1h43

Marry Harron nous conte la rencontre fracassante de Solanas avec l’intelligencia du grand Pop corn chaud et vengeance froide art qui s’tare de critique sociale le cul bien au chaud dans la norme. On en causera longtemps aux comptoirs des légendes et des grandes histoires, quitte à en débiter du théorème sur la pertinence d’en coller une au coin d’la rate : en plomb ou en phalange ?

Dimanche 22 Février à 20H

Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab (2011) 1h30

Est­-il légitime qu’une femme utilise des outils pour améliorer sont quotidien ? Grande question toujours brûlante après 3000 ans de cogite masculine ! Une histoire vraie de vraie de celles qui s’organisent et posent des actes et des questions avec la classe (sociale). …C’est un gars qui fait le film et sauve la face avec le flic bienveillant. C’est le côté pas crédible ! Mais hein ! La perfection c’est comme la mort ça empêche vachement de réfléchir. A plus dans le bus !

Vendredi 13 Mars à 19h

Monster de Patty Jenkins (2003) 1h51

Dans l’Amérique de début 90, c’est l’affolement dans les média : Aileen Wuornos, prostituée sur les routes, lesbienne, est accusée du meurtre par balle de sept hommes. Le film, à gros budget et grosse audience, raconte l’histoire de cette femme, qui finira par être assassinée par l’état pour n’avoir pas pris de pincettes avec ses oppresseurs et ennemis. « On est dans un monde où les gens violent et tuent. Alors moi je les élimine ». Bam.

Vendredi 20 Mars à 19h

A question of silence de Marleen Gorris (1982) 1h32

Ode à la sororité sans faille dans la violence explosive contre l’oppresseur et à la jouissance qui en résulte, le film est un classique d’une féministe hollandaise des années 80. Trois femmes, qui ne se connaissent ni d’Eve ni de Lilith, se retrouvent à massacrer ensemble le patron d’une boutique de fringues qui exerçait un peu trop son pouvoir d’homme. Du pur féminisme, fou, jubilatoire, qui fait penser et agir.

Les projections sont en non mixité meuf-­gouine-­trans. Venez déguster avec nous ces films servis uniquement avec du pop corn.

A La Baf, Centre social autogéré 2 chemin des alpins, Grenoble. Bus C3 16 et C5 labaf@gresille.org