Données numériques de santé, ne serait ce pas un nouveau programme de flicage?

L’état met en place « Mon Espace Santé »,  un espace numérique de santé ouvert sans l’avis des assuré.e.s en janvier 2022.
Déjà ouvert en test pour les assuré.e.s du 31-haute-garonne, du 44-Loire-Atlantique et du 80 – Somme.
Chaque assuré.e aura 6 semaines pour le refuser après un courrier ou un mail de l’assurance-maladie sur https://www.monespacesante.fr/enrolement-accueil
Le principal argument est de refuser la généralisation d’un dossier électronique de santé individuel, standardisé et interopérable (=compatible avec plusieurs systèmes d’exploitation des données de santé).
Les autres arguments sont multiples et bien déroulés dans les sources ci-dessous (carences éthiques et de sécurité autour du traitement des données de santé, opportunités industrielles découlant de la création de Mon Espace Santé, impact sur le secret médical, sur la qualité de la relation de confiance et sur les discriminations dans le soin, impact écologique de la création d’espaces numériques et des projets qui en découlent).
– Un article sur le droit commun, défendu par les personnes trans : https://www.xymedia.fr/les-dangers-du-service-mon-espace-sante-pour-les-personnes-trans/
– Un résumé de l’article concernant le lien entre Mon Espace Santé et le séquençage du génome humain « L’eldorado de la médecine sur mesure », de R. Guillen, du Monde Diplomatique de septembre 2021. Payant. https://www.monde-diplomatique.fr/2021/09/journal#!/p_23
« Arguments et perspectives pour séquençage du génome humain :
– obtenir le génome de la cellule cancéreuse, mis sur le même niveau qu’obtenir le génome du patient, mis sur le même niveau qu’avoir sa carte d’identité, et coûtant 100€
« Soigner de manière adaptée au capital humain de chacun.e, donc besoin de connaître le génome de chaque individu » Discours de Marisol Touraine, ministre de la santé en 12/2016.
« La science du génome va révolutionner le diagnostic, la prévention et le traitement de la plupart des maladies humaines, sinon toutes », « les médecins accroîtront leur capacité à soigner des maladies comme Alzheimer, Parkinson, le diabète, le cancer en s’attaquant à leurs racines génétiques », W. Clinton, président des USA, 06/2000.
« Produire des données importantes pour beaucoup de choses, j’ai beaucoup d’espoir, ce projet s’inscrit dans le soin », M. Sanlaville, 08/2021
– Collecteur Analyseur des Données (CAD) = bibliothèque géante, outil de diagnostic assisté par ordinateur, avec données génomique, histoire personnelle et familiale du patient, précédentes maladies, médicaments qu’il prend, style de vie, sport ou pas, obèse ou maigre → patient augmenté et médecin augmenté. Voir à l’échelle moléculaire donc mieux traiter.
« Mettre rapidement au service du plus grand nombre notre patrimoine de données de santé », Agnès Buzyn, Ministre de la Santé, 12/2019.
– La « transformation numérique » représente un axe déterminant représentant 20 % minimum du plan de relance de 750 milliards € de l’Union Européenne, lancé en réponse à la crise économique liée au Covid-19.
– créer des médicaments à plus forte valeur ajoutée, grâce à la personnification (« le bon produit, pour la bonne personne au bon moment ») et le ciblage, avec un besoin d’accès à de nombreuses bases de données de santé = conclusion du rapport sur la médecine personnalisée de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, 2014.
Limites :
– « La pertinence d’utiliser les résultats du séquençage pour prédire, prévenir et traiter la maladie reste un sujet de débat intense », « Même pour une maladie comme le diabète de type 1 (…), le dépistage du nombre de faux positifs dépasseraient largement le nombre de faux négatifs », « Aucune technologie ne permet d’identifier tous les composants de manière complexe », l’étude des associations génétiques a une « valeur prédictive clinique limitée »,Vivian Tam et Al. « Benefits and limitations of genome-wide association studies », Nature Reviews Genetics, vol. 20, n°8, Londres, 08/2019.
« tout cancer confondus, (…) les mutations germinales identifiées à ce jour ne sont la cause que de 5 % des cancers », B. Devergnes, « De la biologie à la médecine personnalisée : mieux soigner demain ? », Ed° Rue d’Ulm, Pars, 2019.
– les débats éthiques vertigineux sur le partage de données de santé sont menés par des spécialistes en sciences sociales en aval des décisions déjà prises. Et posent la question : est-ce la route vers un monde en bonne santé ?, JH. Coote et M. Joyner, « Is precision medecine the route to healthy world ? », The Lancet, Vol. 385, n°9978, Londres, 04/2015.
– l’efficacité de la médecine personnalisée par rapport à son coût ne la place pas comme une évidence en Cancérologie
– amoindrissement de l’importante des données qualitatives des ressentis de la personne sur sa vie et sa santé, du contexte économique, social ou environnemental
– extension de l’emprise industrielle sur nos vies
– idéologie : « il s’agit avant tout d’inciter chacun à déployer toute la gamme de ses possibles actions en vue de maximiser sa santé. Ces transformations sociales vont de pair avec l’effritement de la notion de responsabilité de la société vis-à-vis des individus, au profit d’une responsabilité des seuls individus », X. Guchet, « Le patient « actionnable » de la médecine personnalisée », socio-antropologie, n°29, 2014.
« La tentation de lier l’assurance-maladie au comportement du patient sera forte : le risque de remise en cause de la médecine de solidarité entre les biens portants et les malades augmentera », A. Claeys et JS Vialatte, « Les progrès de la génétique : Vers une médecine de précision ? », rapport de l’OPECST, 01/2014.
– amoindrissement des moyens consacrés à l’étude des déterminants sociaux de santé, au bénéfice du séquençage génomique.
– mise au point de médicaments onéreux pour la médecine personnalisée qui irait à l’encontre de l’intérêt général
– usage du séquençage génomique comme identifiant, y compris à des fins judiciaires.
BESOIN POUR QUE CA MARCHE : généraliser un dossier électronique individuel, standardisé et interopérable (=compatible avec plusieurs systèmes)
Eléments « écrans de fumées » déjà en place = supports nécessaires :
– « médecine 4P » ou « médecine personnalisée » (« personnalisée, préventive, prédictive, participative »
– dossier médical partagé, référencé avec le nouvel identifiant national de santé, crée par le patient ou à sa demande jusqu’au 1er juillet 2021.
– Dès le 1er janvier 2022, le DMP va être intégré dans le service « Mon espace Santé », généré automatiquement pour chaque individu, sauf sur opposition explicite de sa part. Virage piloté depuis 2019 par l’Agence du numérique en santé
– création d’une passerelle vers le DMP avec le controversé Health Data Hub, interopérable avec le CAD du FMC 25.
Quelques acteurs (liste à compléter) :
– Pr Jean-Yves Blay, oncologue renommé, centre de lutte contre le Cancer Léon-Bérard à Lyon.
– Damien Sanlaville, directeur médical d’Auragen
– Julien Thévenon, codirecteur scientifique d’Auragen, à Grenoble.
Lieux de matériels à séquençage génomique :
– 2 Nova-Seq 6000, le plus puissant des séquenceurs, à très haut débit, 1 000 000€ de l’entreprise américaine Illumina, tournent dans une salle blanche du RdC de l’hôpital Édouard Herriot (cout des locaux 10 000 000€)
Propriétaires : Consortium Auragen = direction scientifique de M. Blay + les 4 CHU de la régions Auvergne-Rhone-Alpes + plusieurs centres de cancérologie et universités.
Groupe SeqOIA, similaire en région parisienne.
Plan FMG 25 (France Médecine Génomique 2025) : 12 sont prévues en France, Auragen et SeqOAI sont les premières, pour produire des données génomiques en France, de manière banalisée et séquencer 220 000 génomes par an.
Et permettant de réduire les coûts des systèmes de santé tout en améliorant le diagnostic et la guérison.
Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé (Aviesan) : alliance thématique de recherche, crée en 2009, regroupe les différents instituts français de la recherche dans le domaine des sciences de la vie et de la santé, se définit comme l’interlocuteur privilégiés des industriels de la santé.
→ Objectifs rédigés pour le FMG 25 = éviter que la France perde une opportunité unique de développer une filière industrielle nationale à haute valeur stratégique.
Etats des lieux en 2015, 2500 séquenceurs à haut débit fonctionnaient dans 1000 centres dans 55 pays, avec des capacités de stockage dépassant celle de l’astronomie (Etats Unis, Royaume Uni, France, Japon, Chine, Australie, Arabie Saoudite.
Process
→ séquençage de l’ADN des cellules, dosage, préparation des échantillons et passages de ceux-ci dans les séquenceurs → obtention de données brutes
Production par les 2 séquenceurs : 24 génomes en quarante heures = 5 TeraOctets de données
Perspectives = produire 50 génomes par jour = 18 000 génomes par an = 4 à 6 PetaOctets/an (=1000 TeraOctets) → nécessité de capacité de stockage massives.
→ traitement informatique des données brutes au CHU de Grenoble-Alpes.
→ stockage et analyse des données par l’entreprise Atos, présidée pdt 10 ans par l’ancien ministre de l’économie Thierry Breton, qui a été nommé commissaire européen au marché intérieur.
→ on donne un traitement au patient après le séquençage du génome : ça marche ou ça marche pas → on met cette info dans le Collecteur Analyseur des Données = bibliothèque géante, outil de diagnostic assisté par ordinateur »