Colloque: Critiques féministes des savoirs : corps et santé

Ce colloque concernait la question des « savoirs situés» et son usage en sciences humaines et sociales et en pratiques médico-sociales. Il a réuni des jeunes chercheur·e·s, militant·e·s et professionnel·le·s de santé dans l’objectif de partager nos savoirs et nos expériences produit·e·s à partir d’une position féministe, et de contribuer à la construction de nouveaux savoirs sur le corps et la santé des personnes minorisées.

Et ci-dessous un résumé du propos général du colloque et des interventions.

L’objectif de ces captations vidéos est de permettre la diffusion et le partage de ces savoirs, aussi n’hésitez pas à transmettre ce mail!

Résumé du colloque et des interventions:

Dans les années 1970, les critiques énoncées par des mouvements militants et des universitaires à l’encontre du savoir scientifique ont permis la formulation des théories des « savoirs situés ». Selon Sandra Harding (1986, 1991), Donna Haraway (1991) ou encore Patricia Hill Collins (1990), la construction de « savoirs situés » doit permettre non seulement d’expliciter le point de vue masculin, blanc et hétérocentré à partir duquel sont majoritairement produits les savoirs scientifiques, mais aussi de faire émerger de nouveaux savoirs à partir desquels déconstruire les rapports de domination. La posture réflexive que chacun·e est invité·e à avoir sur son expérience et sur l’impact que celle-ci a sur sa production scientifique doit fournir les ressources pour critiquer et renouveler la pensée produite par les dominants, tout en prenant conscience de ses propres privilèges (McIntosh, 1989 ; Kebabza, 2009). Récemment, les théories des savoirs situés ont été reprises et prolongées, notamment à l’aune du développement des perspectives intersectionnelles (Dorlin 2009 ; Bentouhami 2015 ; Collins et Bilge 2016), dans le champ universitaire aussi bien que dans celui du militantisme.

L’approche par le féminisme intersectionnel des savoirs sur le corps permet de montrer que beaucoup de ces savoirs ne sont pas « neutres » mais pensés à partir d’une position de domination qui entretiennent des croyances essentialisantes et hiérarchisantes sur les corps (sur ce sujet, voir l’introduction du colloque, par Leslie Fonquerne et Marie Walin).

Ainsi, l’intervention de Manon Vialle montre à quel point le mythe concernant l’horloge biologique des femmes intervient dans les processus d’Assistance Médicale à la Procréation actuellement.

Les travaux en cours de Leslie Fonquerne sur l’usage de la pilule, et de Cécile Thomé sur les méthodes de gestion de la fertilité, mettent en évidence les critiques à l’égard de la méthode de contraception la plus répandue dans les sociétés occidentales, critiques adressées d’un point de vue « féministe », qui n’empêche pas l’usage d’arguments essentialistes de la part des « féminismes conservateurs ».

La contribution de Roció Subías Martínez donne une profondeur historique au colloque, montrant comment agissaient les préjugés concernant l’état mental des femmes durant leurs règles au début du XXe siècle, mais aussi comment les travaux de la psychologue Leta Stetter Hollingworth remettaient en question ces préjugés.

Celle de Natacha d’Orlando porte sur la littérature, et sur ce qu’elle nous apprend concernant l’usage des soins abortifs et la transmission de savoirs chez les femmes afro-caribéennes à travers la littérature de Maryse Condé et de Jamaica Kincaid.

Des interventions de professionnelles comme celle d’Anne Pézet sur la pratique de l’épisiotomie, ou de militantes comme celles du Planning Familial 31 ont souligné l’urgence de s’attaquer à la question des violences gynécologiques.

La communication de Krystel Odobet, membre de l’association Grisélidis, montre le parcours de combattant·e·s des travailleur·se·s du sexe à l’heure d’accéder à un service de santé, soulignant également combien la question de l’intersectionnalité est importante à l’heure d’envisager les violences subies par les minorités concernant les pratiques de santé.

C’est dans cet objectif que le Dr Krakowski s’intéresse à la question de la santé mentale des personnes minorisées, soulignant l’importance de la mise en place de pratiques de santé communautaire pour prendre en charge la gestion des traumatismes vécus suite à des violences sexuelles.

Le partage d’expériences de professionnel·le·s de la santé, Lou Poll et Valérie Courteaut , permet de réfléchir aux pratiques qu’il serait possible de mettre en place dans le cadre de la prise en charge de la santé sexuelle des femmes cis et trans et des minorités sexuelles.

Enfin, le retour d’expérience d’une militante membre d’un collectif de self-help, Adeline Flipo, et les recherches de Lucile Quéré sur le dispensaire des femmes de Genève, nous permettent de réfléchir aux pratiques mises en place par certains collectifs de femmes pour se réapproprier leur corps et leur santé, notamment sexuelle.