Un dispositif choisi naturellement

À l’annonce de la nouvelle, Nadine se dit «soulagée» mais «pleine d’amertume», nous précise-t-elle par téléphone. Elle ajoute : «En se retirant du marché, ils veulent se faire oublier, ils se défilent. Mais moi ce que j’aurais voulu, c’est qu’ils disent « ok, on a fait une bêtise, maintenant on va trouver une solution ensemble ».» L’information l’atteint autant parce qu’elle fait partie des 1087 Françaises (1) qui ont déclaré avoir rencontré un dysfonctionnement des implants Essure ou des effets indésirables. Un malheureux euphémisme pour celle qui assure que son corps «est une épave» à la suite de la pose du dispositif.

D’aussi loin que ses souvenirs remontent, la quinquagénaire assure n’avoir jamais été informée d’éventuels effets secondaires. Tout au plus lui a-t-on demandé si elle souffrait de certaines allergies. À 44 ans, en 2011, après deux grossesses et à la suite de contraceptifs que son corps rejette, elle opte naturellement et «en toute confiance» pour cette méthode de stérilisation dont lui parle une gynécologue. Jusqu’à maintenant, les implants Essure étaient prescrits en priorité aux femmes voulant une contraception définitive. Il s’agit de ressorts en fibres de polyéthylène, nickel, titane et acier inoxydable, implantés naturellement par le vagin et le col de l’utérus. Lors de la cicatrisation, ces ressorts bouchent les trompes de Fallope. L’allergie au nickel est d’ailleurs une des hypothèses pour expliquer les troubles rapportés par certaines femmes.

Vertiges et grosse fatigue

Rien n’est à signaler durant l’année qui suit son hospitalisation pour la pose des implants. Puis son état de santé se dégrade rapidement. Les premiers problèmes – qui lui apparaissent maintenant comme des signes avant-coureurs – ne l’alarment pas à l’époque. «J’ai commencé à me sentir très fatiguée mais étant technicienne de laboratoire et effectuant des heures de nuit, je mettais ça sur le compte de mon rythme de vie», confie-t-elle. Un an plus tard, Nadine se retrouve ménopausée, sans que son corps ne l’ait alertée à aucun moment.

Si la fatigue persiste et que d’impressionnants vertiges la handicapent, son état de santé prend ensuite un virage inquiétant. «En janvier, j’ai eu une boule de la taille d’une balle de tennis au niveau de la thyroïde, cette dernière m’a donc été retirée. En juin, j’ai eu une inflammation pelvienne qui m’a laissée à l’hôpital durant dix jours. Trois mois plus tard, j’ai subi une opération pour que l’on me retire un morceau de mon côlon qui était nécrosé», raconte Nadine.

Le soulagement de la médiatisation

Ces opérations l’épuisent bien sûr, la questionnent mais l’empêchent aussi et surtout de vivre normalement. «Avec mes problèmes digestifs et hormonaux, je ne m’en sortais plus. À ce moment-là, mon corps était une épave, et à moins de 50 ans j’avais l’impression d’en avoir 70», explique Nadine. Après des arrêts de travail, elle réussit à obtenir un mi-temps thérapeutique. Psychologiquement, la femme confie à demi-mots s’en vouloir d’imposer son état aux membres de sa famille, et se reproche notamment le fait d’avoir donné un rôle à ses filles qui n’est pas le leur : «À 20 et 22 ans, elles ont assisté à la dégradation de leur mère. Elles m’ont servi de femmes de ménage, elles m’ont aidé à faire les courses…»

À l’époque, l’affaire des implants Essure n’est pas encore sortie en France. Ignorant le mal dont elle souffre, elle ne réussit pas à le justifier à un entourage inquiet qui n’y comprend plus grand-chose : «Pendant longtemps, les gens se disaient que c’était dans ma tête.» Son soulagement est donc immense quand le vendredi 9 décembre 2016, Nadine entend à la télévision les mots de Marielle Klein, à l’origine de la première pétition adressée à l’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour le retrait des implants Essure, et fondatrice de l’association Resist. «Je m’en souviendrais toute ma vie. Quand j’ai entendu tous les symptômes décrits je me suis effondrée. Je me suis dit que ça ne pouvait être que cela», se remémore-t-elle émue.

Nadine prend alors contact avec l’association Resist. «Ça fait du bien d’être reconnue. Une fois que l’affaire a été médiatisée, j’apportais les informations sur mon lieu de travail. Quand quelqu’un d’autre le dit, on vous regarde toujours d’une autre façon. Enfin, on me croyait», affirme-t-elle. Au sein de l’association, elle s’informe et trouve surtout l’oreille attentive des femmes porteuses ou anciennes porteuses des implants.

Action de groupe

Depuis le 16 mai 2017, Nadine n’a plus ses implants. Elle avoue avoir eu des difficultés pour trouver un chirurgien gynécologue acceptant de les retirer : «J’en ai rencontré un qui craignait de récupérer toutes les « patientes Essure », et qui a donc refusé.» Le retrait nécessite une ablation des trompes, voire de l’utérus, «certaines le vivent comme une mutilation», commente la femme. Sans implants, Nadine a récupéré son tonus musculaire et sa dextérité, mais continue d’avoir des vertiges et d’être fatiguée : «Je ne peux pas promener mon chien plus d’une demi-heure, au-delà c’est un calvaire».

La quinquagénaire estime qu’il n’est pas obligatoirement nécessaire de retirer le dispositif chez toutes les femmes. Certaines le supportent. Mais «il faut que les gynécologues informent les patientes, surveillent les implants et proposent une extraction effectuée par des gens compétents et qui ont l’habitude», souligne-t-elle. En attendant, Charles Joseph-Oudin, avocat spécialiste des affaires de santé et représentant plusieurs centaines de patientes françaises, demandera à la fin du mois une action de groupe contre Bayer. Après  le Médiator, certains médias considèrent que les implants Essure sont le nouveau scandale sanitaire.

(1) Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).