Stérilet Mirena : des femmes dénoncent les effets secondaires

Par Manon Legrand — Décembre 2017
En Belgique et en France, les témoignages de femmes affluent pour dénoncer certains effets secondaires du stérilet Mirena, commercialisé par le géant Bayer. Alors que ces effets étaient déjà connus par les professionnel·les, beaucoup de patientes regrettent amèrement de ne pas en avoir été informées. Ce débat surgit dans un contexte de remise en question d’autres moyens contraceptifs, en particulier la pilule.

Article extrait du dossier « Le stérilet hormonal : contraception ou poison ? », publié dans axelle n° 204.

Julie Z. est soulagée de retirer son stérilet dans quelques jours. Elle en veut à ce mode contraceptif qui lui a même, selon elle, coûté son couple. Après son accouchement en mars 2017, elle décide de mettre un stérilet. « Mon gynéco m’a juste dit qu’il s’agissait d’un stérilet qui se pose durant cinq ans et que je n’aurais plus mes règles », explique-t-elle. Très vite, la jeune femme voit son comportement changer : « J’ai des sautes d’humeur régulières quand ce ne sont pas carrément des colères. Je me sens terriblement fatiguée, dans un état un peu dépressif, je prends du poids… » C’est lors d’une émission de télévision qu’elle entend parler des effets secondaires du stérilet. Elle décide de l’enlever.

L’histoire est presque similaire pour Gaëlle Beckers. Cette jeune femme dynamique se voit soudain victime d’une grande fatigue, d’une perte d’énergie, envahie d’idées noires. Les infections urinaires se multiplient, les infections rénales aussi, sans parler des douleurs insurmontables dans le bas du dos. « J’en parlais à mon gynéco, qui ne m’a jamais évoqué les potentiels effets secondaires du stérilet », déplore-t-elle. Après la découverte d’un article sur le sujet, elle décide de se le faire enlever. Gaëlle demande son dossier médical et constate que le médecin n’avait jamais pris note de ses douleurs…

Ensemble contre l’omerta

Julie Z. et Gaëlle Beckers font partie des 22.000 membres du groupe Facebook Victimes des stérilets hormonaux. Créé en mai, ce groupe, qui a donné naissance à l’association SVH (Stérilets Vigilance Hormones) avec une branche belge dont Gaëlle Beckers est responsable, sensibilise les femmes aux effets secondaires délétères des stérilets hormonaux, principalement le Mirena commercialisé par les laboratoires Bayer.

Le stérilet Mirena existe depuis une vingtaine d’années. On l’appelle aussi « dispositif intra-utérin hormonal » : placé dans l’utérus, il agit en libérant une hormone (le lévonorgestrel) pendant cinq ans, à la différence du stérilet au cuivre, dispositif sans hormones. Le stérilet hormonal est présenté comme efficace contre les règles abondantes et les douleurs menstruelles.

La notice indique de nombreux effets secondaires similaires à ceux rapportés par les femmes qui, si elles en avaient été informées, auraient pu refuser ce type de contraception.

Prise de poids, migraines, état dépressif mais aussi perte de cheveux : les témoignages de femmes porteuses d’un stérilet hormonal abondent et se recoupent. « Le problème, c’est l’omerta des gynécologues sur les effets secondaires, dénonce Gaëlle Beckers. Quasiment aucune femme ne reçoit la notice quand on lui pose le stérilet. 80 % des 10.000 femmes interrogées dans notre sondage ont expliqué cela. En fait, les femmes achètent à la pharmacie la boîte fermée, le gynéco jette la boîte et la notice à la poubelle. »

Pourtant, la notice indique de nombreux effets secondaires similaires à ceux rapportés par les femmes qui, si elles en avaient été informées, auraient pu refuser ce type de contraception. On apprend donc que les effets indésirables « fréquemment observés » – chez 10 % des femmes – sont : des maux de tête, des douleurs au niveau du ventre et du bas-ventre, un gonflement abdominal, des troubles des règles, notamment des saignements entre les règles, des règles plus abondantes ou moins abondantes, prolongées ou raccourcies, ou des périodes prolongées sans saignement, un écoulement vaginal ou encore une inflammation de la vulve ou du vagin. Suivent les effets observés chez 1 à 10 femmes sur 100, notamment : une humeur dépressive, une dépression, de la nervosité, une baisse de la libido, des migraines, des nausées, de l’acné. Viennent ensuite, plus rares, les risques d’une pilosité excessive, d’infections des voies génitales supérieures, etc. La liste est longue.

Parole des femmes décriée

Si l’on en croit les nombreuses expériences de femmes, l’indifférence des gynécologues à ces effets secondaires se marque aussi dans le suivi. « Beaucoup de gynécologues balaient les arguments des femmes quand elles se plaignent des effets secondaires. « Ne vous tracassez pas », « Il faut que le corps s’adapte », entend-on souvent », déplore Gaëlle Beckers.

Martin Winckler, ancien médecin français aujourd’hui écrivain engagé sur la question du rapport des femmes à la santé (et notamment contre la maltraitance médicale), dénonçait déjà cette attitude patriarcale du corps médical en 2006 sur son blog. « Plusieurs patientes à qui on avait posé un Mirena plutôt qu’un DIU au cuivre en leur disant que « c’était mieux » sont venues me consulter en me disant qu’elles n’avaient plus de libido (plus de désir) depuis la pose. Le médecin qui le leur avait posé avait répondu que c’était « dans la tête », oubliant ainsi que les hormones du Mirena reproduisent l’état de la grossesse (comme les pilules et l’implant) et peuvent donc (comme les pilules et l’implant) entraîner une baisse nette de la libido. Après retrait du Mirena et remplacement par un DIU au cuivre, leur désir est revenu… »

La douleur des femmes, associée non pas à des symptômes réels mais à une « émotion », n’est pas prise au sérieux.

Dans la presse française, les propos d’Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, à propos du scandale Mirena, confirment malheureusement cette indifférence d’une partie du corps médical. « Je ne dis pas qu’il ne faut pas analyser correctement les effets délétères des médicaments. Cependant, je pense que pour Mirena, nous ne sommes plus dans le rationnel, mais dans l’émotif. » Preuve que la douleur des femmes, associée non pas à des symptômes réels mais à une « émotion » (on est bien dans le registre des stéréotypes sexistes !), n’est pas prise au sérieux.

Un mouvement anti-contraception ?

La prise de conscience des effets secondaires du stérilet hormonal doit s’analyser dans le contexte plus large de défiance à l’égard de la contraception, et plus précisément envers son moyen le plus répandu, la pilule. En février 2017, l’institut belge Solidaris publiait une enquête sur l’évolution de notre rapport à la contraception depuis 2010 (échantillon de 4.600 femmes et hommes entre 14 et 55 ans). Selon les conclusions, la pilule reste le moyen contraceptif le plus utilisé (55 % des femmes de 14 à 55 ans), même si ce chiffre a diminué par rapport à 2010. La satisfaction a baissé de 6 points et les femmes se tournent vers d’autres moyens comme le stérilet, l’anneau vaginal ou l’implant. Les changements de contraception sont passés de 21 % en 2010 à 48 % en 2017 : + 21 points en 7 ans.

On part du principe que chaque femme choisit sa contraception idéale selon ce qui lui convient. Elle doit le faire en toute autonomie.

Autre donnée intéressante : on apprend dans cette enquête que, parmi les contraintes perçues de la contraception, « une évolution impressionnante [par rapport à 2010, ndlr] est à noter sur le fait que les contraceptifs ont des effets secondaires (+24 points), sont nocifs pour la santé (+16 points) et sont non-naturels (+10 points) ». Les mentalités changent rapidement.

Après la révolution que sa découverte a représentée et les luttes féministes pour son autorisation (1967 en France, 1973 en Belgique), la remise en question de la pilule, voire son discrédit, n’est pas sans lien avec la crise des pilules de troisième et quatrième générations. Ce terme « génération » indique des variations de composition des pilules et de dosage en hormones œstrogènes et progestatives. Un scandale fut déclenché en 2012 lorsqu’une jeune femme a déposé plainte contre un laboratoire pharmaceutique à la suite d’un accident thromboembolique veineux survenu alors qu’elle utilisait une pilule œstroprogestative de troisième génération. Les femmes prennent alors conscience qu’elles ne sont pas assez informées des contre-indications de la pilule et qu’elles n’ont pas toutes les cartes en main pour faire un vrai choix de contraception.

Dégoûtées des « hormones »

Beaucoup de femmes délaissent donc la pilule au profit d’autres moyens de contraception comme le stérilet, le préservatif ou encore l’abstinence en période d’ovulation et le coït interrompu, pratique peu fiable. Une défiance que l’on pourrait lire comme une prise de pouvoir des femmes sur leur corps.

Mais la sociologue française Michèle Ferrand invite à regarder le débat avec prudence. « Oui, prendre la pilule est contraignant, et il y a un ras-le-bol de ça. Oui, la pilule contient des hormones qui sont là pour simuler une grossesse et empêcher de tomber enceinte, mais il y a en ce moment une vague verte qui n’est pas nouvelle et une sorte d’hormonophobie qui mélange tout : le poulet aux hormones et la pilule, en oubliant que l’insuline que prennent les diabétiques est aussi une hormone. » Et de rappeler que « la pilule, même si elle n’est pas vegan, permet d’être libre. »

Sur la page Facebook des Victimes des stérilets hormonaux, on rencontre de nombreuses femmes « dégoûtées » à vie des « hormones ». Mais Gaëlle Beckers reste nuancée. Elle ne s’oppose pas par principe à tous les contraceptifs hormonaux : « On ne disqualifie pas ni ne juge les femmes sur leurs choix contraceptifs. On part du principe que chaque femme choisit sa contraception idéale selon ce qui lui convient. Elle doit le faire en toute autonomie. »

Évaluer les risques

En Belgique, 500 plaintes de femmes à l’encontre du stérilet Mirena ont été déposées à l’Agence fédérale des médicaments. Ce petit nombre s’explique, selon Gaëlle Beckers, par « un manque d’informations des femmes belges, contrairement à la France où l’affaire a été largement médiatisée. » Elle souligne aussi la difficulté de la démarche : « Pour faire sa déclaration, il faut télécharger un PDF, le modifier et le renvoyer par mail, cela n’est pas accessible à toutes les femmes. »

L’Agence ne s’est pas encore prononcée sur le sujet. En France par contre, l’Agence nationale de sécurité du médicament, s’est saisie du dossier à la suite de l’explosion du nombre de déclarations sur le site du ministère de la Santé. L’agence a insisté sur l’importance « de respecter les recommandations d’utilisation », rappelant qu’un examen de contrôle doit être réalisé 4 à 6 semaines après la pose du dispositif, puis tous les ans.

Au niveau européen, le PRAC (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee), comité qui évalue les risques liés à l’utilisation des médicaments, a réagi dans un communiqué (30 juin 2017) à une pétition lancée par une association de patient·es en Allemagne « pour inclure dans la notice les effets de type anxiété, attaques de panique, modification de l’humeur, troubles du sommeil et agitation qui pourraient être associés avec l’utilisation de dispositifs intra-utérins contenant du lévonorgestrel. » Le comité a ainsi lancé une évaluation du rôle des dispositifs intra-utérins au lévonorgestrel dont les conclusions sont attendues pour la fin d’année.

En attendant, l’association pour les victimes du stérilet hormonal poursuit son travail de sensibilisation. En Belgique, des « cafés stérilets » seront mis en place. « Notre objectif n’est pas d’attaquer Bayer en justice. Nous voulons faire prendre conscience aux femmes que la contraception, et particulièrement la pose de stérilets hormonaux, n’est pas un geste anodin. Il faut informer les femmes et revendiquer, de la part des gynécos, plus de transparence », insiste Gaëlle Beckers.